Point de vue d’un Juriste sur la prorogation du mandant des Députés par décret de son Excellence Monsieur le Président de la République
- Le décret portant prorogation du mandat des députés de l’Assemblée Nationale est illégal !
- La lettre du Président de l’Assemblée Nationale relative à la prorogation du mandat des députés adressée au Président de la République est illégale !
- L’arrêt des neuf (09) membres de la Cour Constitutionnelle pour son avis de conformité à la Constitution, autorisant la prorogation du mandat des députes par le Président de la République est illégal est dépourvu de tout fondement juridique !!!
La prorogation du mandat des Députés ne relève pas du domaine règlementaire, mais plutôt du domaine de la loi, en vertu des dispositions des articles 60, 67, 94, 107, 113 et suivants de la Constitution et du de la loi organique portant règlement intérieur de l’Assemblée Nationale en son article 2.
Paradoxalement et contre toute attente, certains juristes de la place soutiennent que le décret du Président de la République du 10 Janvier 2019 portant prorogation du mandat des Députés a été pris à bon droit, car le décret du Président de la République ne peut être pris que dans le domaine règlementaire sur le fondement de l’article 46 de la Constitution qui dispose : « Le Président de la République dispose du pouvoir réglementaire qu’il exerce par décret.
Il fixe par décret les attributions de chaque Ministre. Il peut déléguer une partie de ses pouvoirs au Premier Ministre.
Il nomme en Conseil des Ministres aux emplois civils dont la liste est fixée par une loi organique.».
Etant donné que les articles 67 et 94 de la Constitution parlent du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale et de l’avis de la Cour Constitutionnelle sur la constitutionnalité de ce règlement intérieur par rapport à la Constitution, et ce règlement intérieur de l’Assemblée Nationale est adopté par les 2/3 des membres de cette institution parce que c’est une loi organique qui est prise au nom du peuple de Guinée, le décret ne sied plus.
A ce titre, l’article 2 du règlement intérieur de la présente l’Assemblée Nationale dispose : « Le mandant de l’Assemblée Nationale prend fin dès l’installation de la nouvelle Assemblée Nationale.... ».
Pour ce faire, est-ce le Président de l’Assemblée Nationale avait l’obligation ou le droit de saisir le Président de la République pour la prorogation de leur mandat en leur qualité des Députés de la République ?
En réponse à cette pertinente interrogation suscitée, le Président de l’Assemblée Nationale devrait convoquer dans les règles de l’art une plénière conformément à leur règlement intérieur pour invoquer l’article 2 du présent règlement intérieur pour informer les autres honorables Députés du fait qu’il n’y a pas eu d’élections législatives leur permettant de faire la passation avec la nouvelle Assemblée Nationale entrante, en conséquence et sur le fondement de l’article 2 dudit règlement susvisé, le mandat des députés est tacitement reconductible jusqu’ aux nouvelles élections législatives ainsi qu’avec l’installation des nouveaux députés.
De toute évidence, le Président de la République n’avait ni le droit, ni la qualité à plus forte raison la compétence de demander l’avis de constitutionalité des neuf (09) membres de la Cour Constitutionnelle sur la prorogation du mandat des députés par décret, parce le décret relève du domaine règlementaire pas du domaine de la loi, conformément aux dispositions pertinentes de l’article 46 alinéa 1 de la Constitution.
Il est à rappeler que le premier responsable de l’exécutif n’a pas qualité ni le droit de s’ingérer dans les prérogatives constitutionnelles réservées aux autres institutions républicaines sur le fondement de l’indépendance des unes par rapport aux autres en matière de leur fonctionnement, organisation, composition et attribution dévolues par la Constitution en son article 107.
Et l’article 107 de la Constitution dispose : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.
La justice est rendue exclusivement par les Cours et Tribunaux. ».
C’est pour dire tout simplement que l’Assemblée Nationale guinéenne, ce, conformément à l’article 107 susvisé n’a pas d’instruction et ni d’ordre à recevoir du pouvoir exécutif, le décret prorogeant leur mandat est illégal et dépourvu de tout fondement juridique.
Ce faisant, le Président de la République devrait consulter la Chambre Administrative de la Cour Suprême pour statuer le bien fondé du décret de prorogation du mandat des députés, parce que c’est un acte administratif qui relève de la compétence exclusive de ladite chambre, sur le fondement de l’article 113 alinéas 1 et 2 de la Constitution qui dispose : « La Cour Suprême est la plus haute juridiction de l’Etat en matière administrative et judiciaire.
La Cour Suprême est juge de premier et dernier ressorts de la légalité des textes règlementaires et des actes des autorités exécutives.».
Ceci dit, il est constant que le décret de prorogation du mandat des députés par le Président de la République est pris en violation flagrante des dispositions de l’article 113 susvisée.
S’agissant de la Cour Constitutionnelle, les neuf (09) membres de cette institution constitutionnelle ne sont compétents d’examiner que sur la constitutionnalité des lois avant leur promulgation, le contentieux des élections nationales, la validité des dossiers de candidatures aux élections nationales, ainsi qu’à celle des opérations de référendum, le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, du Conseil Economique et Social, de la Haute Autorité de la Communication, de la Commission Electorale Nationale Indépendante, de l’Institution Nationale Indépendante des Droits Humains, du Médiateur de la République, du Haut Conseil des Collectivités Locales quant à leur conformité à la Constitution, les conflits d’attributions entre les organes constitutionnels, l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant les juridictions, les recours formés contre les actes du Président de la République pris en application des articles 2, 45, 74 et 90 de la Constitution, ainsi que les recours formés contre les Ordonnances prises en application de l’article 82, sous réserve de leur ratification, ce, conformément aux dispositions de l’article 18 de la loi organique L/2010/06/CNT du 10 Mars 2011 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.
Au regard de cette disposition pertinente susvisée, la Cour n’a aucune compétence d’examiner la régularité d’un acte règlementaire notamment le décret du Président de la République.
En d’autres termes, et ce conformément aux dispositions combinées des articles 19, 20 et suivants de la Loi organique portant Cour Constitutionnelle, elle a un rôle de contrôle de constitutionnalité, de la conventionalité et de la conformité des règlements intérieurs des institutions républicaines et constitutionnelles, des traités, des accords et des conventions.
De toute évidente, il n’est prescrit nulle part dans cette loi organique portant sur la Cour Constitutionnelle qu’elle a qualité d’ordonner au Président de la République de proroger le mandat d’une quelconque institution républicaine et constitutionnelle, elle n’a aucune qualité non plus d’interroger la CENI sur le retard dans l’organisation des élections législatives.
Par ailleurs, ni le Président de la République, ni le Président de l’Assemblée Nationale et ni la gardienne de la Constitution qu’est la Cour Constitutionnelle n’avaient le droit de poser de tels actes qui soient contraires aux dispositions pertinentes susvisées, conformément aux dispositions de l’article 2 alinéas 7 et 8 de la Constitution.
En conclusion, le mandat des députés devrait être prorogé sur le fondement de l’article 2 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale en cours par la tacite reconduction du mandat des députés de l’actuelle Assemblée Nationale dans leurs fonctions respectives par le fait qu’il n’y a pas eu des élections législatives ni d’installation des nouveaux députés.
Que Dieu le tout puissant protège et bénisse la Guinée, Amen !!!
Alfousseny MAGASSOUBA
Journaliste d’investigation et
Consultant en droit social
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