Teodora Vasquez libérée après dix ans de prison pour une fausse couche

La Cour suprême de Justice a finalement accepté de «commuer la peine» de cette femme condamnée à trente ans de prison, dans un pays chrétien qui demeure farouchement opposé à l'avortement. Sa victoire en amènera peut-être d'autres, espèrent ses soutiens.

Elle est libre. Teodora Vasquez, 34 ans, condamnée en juillet 2007 par un tribunal salvadorien à 30 ans de prison pour une fausse couche a été libéré jeudi. Mais au moins 27 autres jeunes femmes croupissent encore pour des condamnations similaires dans les prisons du Salvador, ce pays où non seulement la loi interdit l’avortement sous toute ses formes, mais où la pression sociale et religieuse est telle que nombre de femmes sont envoyées directement de l’hôpital en prison.
Teodora a passé exactement dix ans et sept mois en prison avant que la Cour suprême de Justice accepte finalement de «commuer sa peine» et autorise sa mise en liberté, alors qu’un tribunal avait encore, le 13 décembre dernier, rejeté un recours en appel et confirmé sa condamnation a trente ans de prison pour «infanticide».
Une petite foule est venue l’attendre au petit matin à sa sortie de la prison des femmes d’Ilopango à l’est de San Salvador : sa famille évidemment, les militantes pour la légalisation de l’avortement qui vaillamment ne relâchent jamais la pression dans leur combat, et quelques caméras et micros. Elle est repartie accrochée au bras de ses parents venus de la région rurale d’Ahuachapan pour l’accueillir avec son fils de 14 ans, privé de maman depuis tant de temps. Jointe par téléphone, elle nous a assuré d’une voix douce qu’elle lutterait jour après jour pour faire sortir «une par une» ses autres camarades d’infortune de prison. Treize dans la seule prison d’Ilopango ! «Ce n’est une vie pour personne» a-t-elle soupiré.

Toute à la joie et à l’étrangeté des retrouvailles – son fils si grand, ses nièces qu’elle ne reconnaissait pas, ses parents qu’elle pensait ne plus jamais revoir, ses frères et sœurs, cette liberté retrouvée – Teodora trouve encore la force de remercier «le soutien et la solidarité venus du monde entier, qui permettent de tout vaincre». Dans les jours qui viennent, elle souhaite rentrer chez elle, avec les siens, et «se mettre à travailler» – pour subvenir à ses besoins. Elle espère aussi pouvoir aller un jour à l’université étudier le droit : elle a passé le bac en prison alors qu’elle avait arrêté ses études en primaire.
«Cela nous donne l’espoir de pouvoir faire libérer les autres»

«Nous avons célébré, célébré» a raconté ensuite, émue, Sara Garcia, la coordinatrice politique du Groupement citoyen pour la décriminalisation de l’avortement, une des nombreuses associations qui luttent vaillamment pour le droit des femmes. «Cela nous donne l’espoir de pouvoir faire libérer les autres» s’est-elle réjoui. «Nous espérons d’autres libérations dans les semaines, les mois qui viennent selon cette même stratégie de commutation de peine», a confirmé Ana Cecilia Martinez. Cette avocate qui s’occupe du pôle juridique de l’association explique aussi que dans le cas de Teodora, un recours en cassation a été déposé. «Elle a été privée de liberté pendant près de onze ans pour un délit qu’elle n’a pas commis. Son innocence doit être reconnue, elle doit obtenir des réparations civiles.» Employée domestique dans un collège privé, Teodora avait accouché dans les toilettes, après un malaise, d’un bébé mort-né, sans que personne ne lui prête secours. Alertée, la police l’avait conduite à l’hôpital et remise illico à la justice…

Le combat est loin d’être fini. «Socialement, le contexte reste très difficile» regrette Ana Cecilia, car, même si le dialogue avec les institutions et notamment le ministère de justice semble avoir progressé, l’opinion publique reste largement défavorable à la légalisation de l’avortement. Au point que les associations se battent, pour l’instant, pour légaliser l’avortement dans seulement quatre cas – risque pour le fœtus, risque pour la femme, viol sur mineur et viol sur adulte – tant il est difficile de faire évoluer les esprits. En attendant, «nous sommes tellement, mais tellement, tellement, tellement heureux» a confié Cecilia, la sœur de Teodora.

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