RDC : les « journalistes détenus depuis six mois sans jugement » étaient en fait des cultivateurs
Deux journalistes congolais « appréhendés pendant qu’ils réalisaient une série de reportages avec la population civile » puis « détenus sans jugement, depuis six mois, à Uvira », où ils ont subi « des violences corporelles »… Dans un communiqué diffusé lundi 4 décembre, l’ONG congolaise Journaliste en danger (JED), qui dénonce régulièrement les violations de la liberté de la presse en RDC, alertait l’opinion sur le sort de deux journalistes arrêtés le 29 juillet dans la province orientale du Sud-Kivu.
D’après l’association, les deux hommes, qui effectuaient un reportage pour la radio communautaire de Mibunda (RCM), sont accusés par la justice d’être des « informateurs » d’un groupe armé dénommé « Maï Maï Yakutumba ».
Le communiqué est rapidement reproduit à l’identique sur des sites d’actualité congolais, avant d’être diffusé sur les réseaux sociaux. L’Agence France-Presse (AFP) relaie l’information dès le lendemain, suivie d’une autre dépêche le surlendemain. Cette dernière fait cependant part, cette fois, de doutes concernant la fonction réelle des deux détenus. Une précaution qui s’avérera judicieuse.
Une tentative de manipulation ?
Mercredi 5 décembre, l’avocat mandaté par Journaliste en danger, Me Adolphe Kilomba, se rend à la prison centrale d’Uvira afin de remettre deux journalistes incarcérés une enveloppe de 200 dollars, destinée à améliorer leur ordinaire.
Coup de théâtre : au parloir, ces derniers se présentent comme des « cultivateurs » qui ne savent ni lire ni écrire ! « Ils étaient très surpris et m’ont affirmé n’avoir jamais vu un micro de leur vie », rapporte l’avocat. Le doute s’insinue : l’ONG aurait-elle été victime d’une manipulation ?
Une dizaine de jours plus tôt, JED avait été contactée par un militant de la société civile du Sud-Kivu qui prétendait jouer le rôle d’intermédiaire entre l’ONG et la radio communautaire de Mibunda (où sont censés travailler les journalistes). Il leur fait part d’un document émanant de cette radio faisant mention de « nos collègues journalistes […] victimes d’arrestation et en détention (sic) par la police nationale congolaise en date du 29 juillet 2017 ». D’après la lettre, étrangement datée du 5 juillet (soit vingt-quatre jours avant l’arrestation présumée des journalistes), ces derniers travaillaient pour « un projet de monitoring d’abus (sic) et violations des droits de l’homme dans nos contrées ».
Elle est signée par un certain John Mundukwage, présenté comme le directeur de la RCM. Celui-ci, dont le numéro de téléphone figure dans le document, est resté sourd à nos appels.